Même dans le contexte actuel, tous les chemins mènent à la diversification

Source : MeDirect

Guerre en Ukraine, inflation, crise énergétique, hausse des taux… Ce contexte instable inquiète les investisseurs: comment préserver – et si possible faire croître – leur épargne ? Faut-il revoir de fond en comble son portefeuille? Apolline Deglasse (MeDirect) a réuni quatre experts qui vous livrent leur analyse: Étienne de Callataÿ, Kelly Hebert, Éric Pittomvils et Bernard Jans.

“Pour l’investisseur, nous pourrions dire que 2022 a jusqu’ici été une année maudite”, reconnaît Étienne de Callataÿ, Chief Economist d’Orcadia Asset Management. “Toutes les classes d’actifs ont souffert : actions, obligations, cash… Profils défensifs comme offensifs ont ‘trinqué’! Et la décorrélation habituelle entre actions et obligations s’est temporairement brisée.”

Pour l’investisseur, nous pourrions dire que
2022 a jusqu’ici été une année maudite.
Étienne de Callataÿ

“Nous sommes sortis d’une situation anormale où les taux d’intérêts étaient trop bas”, souligne-t-il. “Les banques centrales ont été contraintes de les faire repartir à la hausse afin de contrer les effets du Covid-19 et l’augmentation de l’inflation, notamment liée à la guerre en Ukraine. La stabilité du taux de change euro/dollar a également pris fin. En effet, aujourd’hui, le billet vert remonte grâce à son rôle de valeur-refuge. Par conséquent, tout ce que nous achetons en dollars aujourd’hui coûte 15% de plus.”

Quant au carnet d’épargne, la remontée des taux engagée par la BCE n’a jusqu’à présent pas eu d’impact sur sa rémunération et n’est pas près de le faire, juge l’économiste. Son rendement demeure nettement négatif lorsque nous tenons compte de l’inflation.

En ce qui concerne les obligations, “si le contexte leur devient plus favorable, l’investisseur qui en détenait précédemment risque d’encaisser des moins-values”, prévient-il. Pour les actions, la conjoncture actuelle impose de revoir leurs valorisations. Enfin, nous ne savons pas trop comment qualifier l’économie : par certains aspects, nous pensions être en récession, mais sans chômage significatif. Le consensus qui se dégage envisage une fin 2022 et un début 2023 pas fameux, mais pas désastreux pour autant. En résumé, diversifier reste la clé et reste la meilleure stratégie à adopter pour ses investissements.”

Confier la gestion de ses investissements

“Certes, mais il est extrêmement difficile pour l’investisseur individuel de suivre les indicateurs de toutes les classes d’actifs”, nuance Bernard Jans, Country Head Belgium – Institutional Clients pour Degroof Petercam Asset Management. “À mes yeux, une bonne solution est de sous-traiter cette tâche à un gestionnaire de portefeuille multi-actifs, qui disposera de la réactivité nécessaire pour s’adapter aux conditions de marché. Nous lui précisons bien son horizon de placement et son appétence au risque et nous nous déchargeons de tout souci moyennant des frais restreints.”

Il est extrêmement difficile pour l’investisseur individuel de suivre
les indicateurs de toutes les classes d’actifs.
Bernard Jans, Degroof Petercam Asset Management

Degroof Petercam, société 100 % belge, privilégie actuellement une vision prudente et défensive. “Nous avons un scénario de récession qui est, selon nous, plus que probable en Europe avec les tensions énergétiques et le resserrement monétaire par les banques centrales”, estime le gestionnaire. L’environnement macroéconomique lui paraît trop tendu pour prendre des positions audacieuses : “nous sommes sous-pondérés en actions par rapport à notre point neutre. Nous percevons des opportunités dans les obligations américaines d’État, tout comme en matière de dette émergeante. “Les obligations “investment grade” offrent aussi des opportunités. Nous avons plus de cash que d’habitude dans notre portefeuille. Notamment dans des divises “safe haven” comme le dollar américain et le franc suisse. Comme dans le foot, nous sommes sur le banc, prêts à monter sur le terrain quand le bon moment arrivera. Nous attendons d’abord, un « plus haut » en termes d’inflation, des taux de banques centrales plus élevés, une révision des bénéfices à la baisse,… avant de revenir dans les marchés.”

La société privilégie une approche collective. “Nous cumulons les visions “top-down” et “bottom-up”, nous disposons de comités macro, de comités action et obligations qui apportent chacun leur expertise”, détaille Bernard Jans. “Leur apport conjugué alimente les équipes d’allocation. Dans l’approche “Bottom-up”, nos gestionnaires de fonds bénéficient d’une grande liberté d’opérer au sein des grandes tendances déterminées par notre comité d’allocation. Chaque décision d’investissement est précédée d’une analyse portant sur la valorisation.”

Quant aux détenteurs d’obligations, ils souffrent aujourd’hui “mais, il faut aussi parler de la vision à long terme car sur la dette de qualité nous pourrons malgré tout, à terme, récupérer le principal de son obligation. La corrélation positive de cette année a été difficile mais nous pouvons espérer que la normalisation des taux rétablisse l’effet de la diversification entre les actions et les obligations.”

Se libérer du “facteur émotionnel”

“Confier son portefeuille permet d’éliminer le risque de réagir à chaud, en vous libérant du facteur émotionnel qui vous fait trembler dès que vous entendez les nouvelles”, complète Éric Pittomvils, directeur de Flossbach von Storch. “Il est aussi possible d’adopter une approche patrimoniale, au sein de laquelle nous donnons au gestionnaire un mandat ouvert : il peut dès lors adapter librement l’allocation d’actifs tant qu’il respecte le “contrat”.

La société Flossbach von Storch est sortie quasi totalement des obligations depuis fin 2021. Ceci compte tenu de la perspective d’une hausse des taux et des rendements faibles sur les pour cette classe d’actifs. “Nous avons décidé, d’une part, de conserver du cash pour pouvoir saisir des opportunités et d’autre part, d’investir dans des actions dites défensives. Actuellement, nous sommes globalement surpondérés en actions. Nous préférons être exposés aux États-Unis et au dollar, c’est là que nous percevons les meilleures perspectives de croissance.”

L’expert poursuit : “Il est important pour nous de rester investi dans les marchés d’actions. En effet, nous évitons de faire du “market timing” qui nous ferait courir le risque de rater les meilleurs jours sur les marchés. Avec les actions défensives, nous parlons plus précisément d’entreprises avec une grande visibilité de résultats futurs : plus il est facile d’obtenir une constance des résultats futurs, plus il est facile d’obtenir une valorisation correcte des actions. La prévisibilité est le facteur de risque le plus important. C’est l’incertitude à l’égard des résultats futurs qui augmente le risque.

La prévisibilité est le facteur de risque le plus important.
Éric Pittomvils, Flossbach von Storch

Comment la société sélectionne-t-elle les actions en question ? “Notre approche est purement fondamentale, nous ne regardons pas les secteurs ou les marchés, mais ce que font les entreprises”, répond Éric Pittomvils. Nous gardons ‘en ligne de mire’ 180 actions que nous jugeons d’une qualité suffisante pour investir. Nous analysons en profondeur chaque entreprise, notamment sa compétitivité, ses défis et ses opportunités futures. Ensuite, il nous restera 50 à 60 actions pour construire des portefeuilles diversifiés et robustes. Cette robustesse est essentielle, car notre principe de base est qu’il ne faut pas que ça casse, puis en second lieu, bien sûr, il faut que cela rapporte.

Miser sur les infrastructures

Kelly Hebert, Country Head BeLux et Global Head of ESG Distribution chez M&G Investments, revendique quant à elle une approche “constructive”: “Nous restons investis sur les marchés, essentiellement à long terme, en étudiant les valorisations et les rendements réels dans chaque classe, et bien sûr les corrélations entre les classes d’actifs. Nous n’adhérons pas au scénario d’une récession classique avec, par exemple, une forte hausse du chômage, mais plutôt à celui d’une décélération économique ou de ce que nous appelons en anglais un “soft landing”. Dans ce cadre-là, nous restons exposés à des actifs un peu plus risqués, comme des actions et du crédit d’entreprise. Nous nous montrons donc constructifs et notre allocation est neutre. Nous n’aimons pas spécialement les États-Unis en termes de région, nous les trouvons plutôt chers par rapport à l’Europe, avec une exception pour certains secteurs, comme les actions bancaires. Nous privilégions également certaines thématiques, comme l’infrastructure en Europe, car elle sera une clé pour répondre à la crise énergétique en Europe.”

Pour ce qui concerne les obligations, la société favorise les mieux classés, dites investment grade : “Les investment grade américaines assurent des similaires à ceux que nous attendons sur les actions américaines : nous favorisons donc les obligations puisque leur risque est plus faible”, poursuit Kelly Hebert.

Chez M&G nous essayons de ne pas faire de prédictions macroéconomiques, nous n’avons pas de boule de cristal !
Kelly Hebert, M&G Investments

“Chez M&G nous essayons de ne pas faire de prédictions macroéconomiques, nous n’avons pas de boule de cristal ! Nous analysons les valorisations, tant pour les actions que pour les obligations et autres, en utilisant une notion de rendement réel. Cela nous permet d’écarter l’aspect émotionnel. Nous regardons où les marchés sont plus chers ou pas. Un cas concret ? Le Bund 10 ans (obligation souveraine allemande) offre un rendement de 1,7%. Pour les actions européennes, le rendement des bénéfices est à 10%, nous avons donc une prime importante pour les actions. Pour autant, nous n’oublions pas la diversification, pas question donc de remplir à 100% notre portefeuille avec des actions, nous allons plutôt favoriser les actions européennes aux obligations. Et puis, bien sûr, nous tenons compte de la corrélation, afin d’avoir un portefeuille diversifié. Perdre de l’argent sur la poche obligataire n’est pas une fatalité ; grâce aux produits dérivés adaptés. Ainsi, nous avons couvert notre portefeuille obligataire en prévision d’une hausse des taux, ce qui a été bénéfique. Dans le portefeuille obligataire, il est important de rester flexible en utilisant toutes les formes d’obligations et de dérivés. “

“Cela peut paraître étonnant, voire cynique dans le contexte actuel, mais ce n’est pourtant que de la lucidité macroéconomique: le moment serait plutôt bien choisi pour investir, notamment si nous ne l’avons pas encore fait”, conclut Apolline Deglasse. “Le dicton le recommande bien, il faut acheter au son du canon.”

Le moment serait plutôt bien choisi pour investir, notamment si nous ne l’avons pas encore fait.
Apolline Deglasse, experte en investissements chez MeDirect


Webinaire MeInvest #3

Aperçu mensuel : La BCE met fin aux taux d’intérêt négatifs

Source : Ecrit par Gilles Coens, expert en investissements chez MeDirect

La première partie des vacances d’été a été principalement marquée par les hausses de taux d’intérêt. La Banque centrale européenne (BCE) a pris une nouvelle et importante décision. Lisez l’actualité économique et financière du mois de juillet et découvrez son impact sur vos investissements.

Les banques centrales augmentent les taux d’intérêt

“Lors de la fête nationale belge, la BCE a décidé de relever le taux d’intérêt de la zone euro de 0,5%, soit 50 points de base, pour la première fois depuis 11 ans.”

Lors de la fête nationale belge, la BCE a décidé de relever le taux d’intérêt de la zone euro de 0,5%, soit 50 points de base, pour la première fois depuis 11 ans. En conséquence, le taux de dépôt de la BCE s’élève maintenant à 0 %. La BCE a ainsi mis fin à sa politique de taux d’intérêt négatifs. Le taux de dépôt de la BCE était en effet négatif depuis 2014. L’inflation au sein de la zone euro reste très élevée, actuellement 8,6 %, bien au-dessus de l’objectif de 2 %.

Peut-on s’attendre à de nouvelles hausses de taux d’intérêt en Europe ? On s’attendait à ce que la BCE relève ses taux d’intérêt de 25 points de base en juillet et à nouveau de 25 points de base en septembre. Le relèvement du taux de la BCE en juillet a donc été deux fois plus important que prévu. Cela pourrait indiquer que la BCE n’aura plus l’occasion de relever à nouveau les taux d’intérêt cette année. Le relèvement des taux d’intérêt est préjudiciable à la croissance, qui ralentit déjà considérablement alors que l’inflation reste élevée. Cet hiver, l’économie européenne sera plus que probablement affectée par le faible approvisionnement en énergie. En outre, la BCE pourrait être amenée à prendre des mesures si les taux d’intérêt italiens devaient augmenter en raison de l’incertitude politique.

Le 14 juillet dernier, 1 euro valait 1 dollar : il y avait une parité euro-dollar. En règle générale, la monnaie augmente en même temps que les taux d’intérêt. Cette fois, la hausse des taux d’intérêt n’a eu peu d’effet sur le taux de change. Cela peut s’expliquer par les nombreux défis auxquels l’Europe a été confrontée cet hiver.

Malgré la hausse des taux, la politique de la BCE reste “prudente” si on la compare avec la politique de la banque centrale américaine. De l’autre côté de l’Atlantique, les taux d’intérêt sont à nouveau relevés, cette fois de 75 points de base. La dernière fois que les taux d’intérêt avaient augmenté autant d’un seul coup aux États-Unis, c’était en 1994.

La croissance mondiale ralentit

Le taux d’inflation élevé entraîne aussi de nouvelles réductions de la croissance. Ce mois-ci, le Fonds monétaire international (FMI) a publié une mise à jour de ses prévisions de croissance et, globalement, nous constatons que celles-ci ont été revues à la baisse. Étant donné que le ralentissement de la croissance était prévu depuis longtemps, cette nouvelle publication n’a pas eu d’impact négatif sur le marché. Elle confirme toutefois les défis auxquels l’économie mondiale sera confrontée au cours des prochains trimestres.

Selon toute vraisemblance, l’Europe entrera en récession à la fin de cette année. On parle de récession lorsque l’économie connaît deux trimestres consécutifs de croissance négative. Toutefois, les risques diffèrent selon les États membres. Par exemple, le risque est plus grand pour les pays qui sont largement dépendants du gaz russe, comme l’Allemagne ou l’Italie, mais moins pour une économie comme la France. Les États-Unis sont plus susceptibles de connaître un “atterrissage en douceur” de leur croissance économique, de sorte que le risque de récession est déjà moindre que pour l’Europe.

Que cela signifie-t-il pour vos investissements ?

Malgré tout, juillet a été le meilleur mois sur les marchés boursiers en 2022. Le S&P 500 (États-Unis) a augmenté de 3,6 % et l’Eurostoxx 50 de 4,2 % (au 27/07/2022).

“Malgré tout, juillet a été le meilleur mois sur les marchés boursiers en 2022.”

Il est important de relativiser le risque de récession : les marchés anticipent, la crainte d’une récession potentielle existe depuis l’invasion de l’Ukraine et certains analystes l’évoquaient même avant l’invasion russe. La correction que nous avons déjà connue au cours du premier semestre de l’année a réduit la pression exercée sur les valorisations élevées. Toutefois, il reste à voir ce que l’avenir réserve aux bénéfices des entreprises et dans quelle mesure ils résistent aux pressions inflationnistes.

Ces périodes sont généralement favorables aux investisseurs à long terme, ou aux investisseurs qui entrent de manière régulière sur les marchés. C’est également le moment de rééquilibrer les portefeuilles et d’ajouter une certaine exposition aux obligations dans le portefeuille comme amortisseur. Pendant cette période, le plus important est de détenir des actions de qualité avec des bilans solides.