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“Les trackers sont les produits les plus démocratiques”

Source: L’Echo 21/10/20

“Les trackers sont beaucoup plus démocratiques que les fonds. Que vous soyez puissant ou misérable, vous paierez les mêmes coûts”, lance Deborah Fuhr. Après une carrière auprès de la plus grande usine de trackers au monde, “Mrs ETF” dirige, depuis huit ans déjà, son propre bureau d’analyse, ETFGI.

En mars, en plein milieu de la crise du coronavirus, les fonds (indiciels) cotés – Exchange Traded Funds (ETF) – mieux connus sous l’appellation “trackers” – ont soufflé leurs 30 bougies. Aujourd’hui,
les ETF représentent au niveau mondial plus de 5.000 milliards de dollars, même s’ils restent encore le “petit frère” des fonds d’investissement traditionnels. “Mais ce petit frère grandit
rapidement”, prévient Deborah Fuhr.

“Aux États-Unis, alors que les fonds traditionnels ont mis 66 ans pour atteindre le cap de 1.000 milliards de dollars d’actifs, les trackers n’ont eu besoin que de 18 ans pour le franchir. Le secteur double tous les cinq ans“,
poursuit-elle. Deborah Fuhr est la fondatrice d’ETFGI, un bureau d’analyse indépendant qui fournit des rapports sur le marché mondial des ETF. Il réalise des études destinées aux investisseurs institutionnels,
mais aussi aux émetteurs d’ETF et fournisseurs d’indices.

Avant de créer son entreprise en 2012, Deborah Fuhr a été entre autres responsable du développement du segment des ETF chez BlackRock et Barclays Global Investors. Une expérience
passionnante, mais elle cherchait surtout à être indépendante, ce qui l’a poussée à créer ETFGI. “L’indépendance a des avantages. Maintenant, je peux définir moi-même mes
priorités”, explique-t-elle.

En tant que femme travaillant dans un milieu typiquement masculin, elle défend également l’équilibre des genres dans le secteur des fonds. En 2013, elle a créé avec quatre autres femmes “Women in ETFs“,
une organisation qui défend la diversité et l’inclusion dans le secteur financier. “Aujourd’hui, l’organisation compte déjà 6.400 membres”, poursuit-elle avec beaucoup d’enthousiasme.

Comment les trackers ont-ils “digéré” ces derniers mois?

Deborah Fuhr: “2020 est évidemment une année bizarre à cause de la crise du Covid-19, mais les trackers ont bien résisté. Plus encore, ils ont fait mentir les critiques auxquelles ils font face depuis
des années. Par exemple, certains craignaient que les trackers ne mettent les marchés en difficulté en cas de volatilité élevée, prétendant que tous les investisseurs prendraient ainsi les mêmes
décisions au même moment. Contrairement aux attentes, les trackers ont réussi à chaque moment à garantir la liquidité du marché. Plus encore, nous constatons que, malgré la
crise, nous enregistrons des flux entrants nets depuis plus de 15 mois consécutifs.”

Comment expliquez-vous cette croissance continue?

Fuhr: “Je pense que la crise du coronavirus a encore renforcé le marché des trackers. À cause de la crise, les gens ont franchi le pas vers le digital dans leur vie quotidienne. Ils travaillent
à la maison, font davantage d’achats en ligne, suivent des cours à distance, etc. La tendance à la digitalisation joue à l’avantage des trackers, car ils sont généralement vendus par des courtiers
en ligne. Ces courtiers misent aussi beaucoup plus sur le digital. Il suffit de voir ce qui se passe sur les réseaux sociaux. Par ailleurs, les trackers profitent également d’autres tendances.”

Par exemple?

Fuhr: “Un autre pilier de la croissance du marché sont les ETF thématiques. Il peut s’agir par exemple du secteur technologique, qui provoque de réels bouleversements avec l’intelligence artificielle et la robotisation.
Mais aussi du secteur des soins de santé, où les investisseurs sont à la recherche des futurs gagnants dans la course au vaccin contre le Covid-19. Il existe des trackers pour chacun de ces thèmes.
Et je n’ai pas encore abordé les investissements durables. Là aussi, nous constatons que de plus en plus de nouveaux trackers sont lancés. Il faut également souligner le rôle de leader joué par l’Europe dans
ce domaine. Alors que le Vieux continent ne constitue que 15% des actifs investis dans les trackers, il représente 51% de tous les trackers durables au monde.”

Comment définissez-vous un tracker durable?

Fuhr: “Nous examinons les trackers qui répliquent les indices durables de fournisseurs comme MSCI, Russel, S&P, etc. En soi, ces indices sont définis de manière suffisamment précise, mais il est vrai
que nous devons encore travailler pour trouver une définition uniforme pour les investissements durables. Par exemple, la France considère l’énergie atomique comme “verte”, contrairement
à l’Allemagne. Nous constatons que les indices durables appliquent différentes méthodologies.”

Quels sont les avantages des trackers par rapport aux fonds d’investissement traditionnels?

Fuhr: “Ce sont surtout des produits très simples. Vous pouvez y investir un montant réduit et ce sont les produits les plus démocratiques qui soient. Chaque investisseur – qu’il soit
un particulier ou un professionnel – paie les mêmes frais. À la différence des fonds classiques, dont les frais sont beaucoup plus bas pour les grands investisseurs et les investisseurs institutionnels que pour les bons
pères de famille qui investissent leurs économies.”

Les trackers restent malgré tout des instruments passifs qui suivent docilement les marchés. Ceux qui veulent faire mieux que le marché ont souvent intérêt à aller voir ailleurs.

Fuhr: “Je pense que c’est une idée fausse. Les trackers peuvent parfaitement être utilisés dans la gestion active, et c’est d’ailleurs de plus en plus le cas. Aujourd’hui, les investisseurs
sont conscients que l’on crée surtout de l’alpha (surperformance par rapport au marché, NDLR) en allouant correctement ses actifs. Les études l’ont d’ailleurs démontré
à de nombreuses reprises. Dès lors, le problème n’est pas de sélectionner les bonnes actions, ce qui est beaucoup plus difficile, mais de trouver le bon équilibre entre les actions et les secteurs.
Il s’agit donc de bien se diversifier, ce qui est possible avec des trackers bon marché et liquides.”

Pensez-vous que les gestionnaires de fonds qui tentent par une gestion active de faire mieux que leur indice de référence ont un avenir?

Fuhr: “C’est particulièrement difficile de faire systématiquement mieux que le marché. L’Américain Bill Miller a réussi à le faire pendant 15 années consécutives,
mais s’est finalement trompé. Ne me faites pas dire que j’estime qu’il n’y a pas de place pour la gestion active. Les gestionnaires doivent simplement prouver qu’ils peuvent afficher de meilleurs résultats
sur le long terme et de manière constante. La gestion active est complémentaire à la gestion passive, et vice-versa.”

Dans le secteur des trackers, nous voyons également des gestionnaires actifs faire leur apparition. Tout d’abord avec ce qu’on appelle les trackers “smart beta”, qui répliquent un indice alternatif, et aujourd’hui également
avec des trackers gérés activement. Est-ce que cela ne complique pas un segment qui mise avant tout sur la simplicité?

Fuhr: “La part des trackers actifs est encore très limitée, en particulier en Europe. Sur les 2.309 trackers enregistrés en Europe, seuls 44 sont actifs. Au niveau mondial, la part des trackers
actifs ne dépasse pas 2,9% du marché des ETF. Je pense que leur potentiel se situe dans la conversion de fonds actifs performants sur la base du modèle des trackers pour améliorer encore leur liquidité.
Mais créer un tracker actif en partant de zéro? Je suis sceptique. Avant d’attirer des volumes suffisants, ils devront afficher leur palmarès et prouver que leur stratégie fonctionne également avec des
volumes importants. C’est donc un peu l’histoire de l’œuf et de la poule. Nous voyons quelques tentatives sur le marché, mais elles viennent surtout d’acteurs qui, sur le marché passif,
ne peuvent rivaliser avec les grands groupes dominants comme BlackRock, State Street ou Vanguard. Ces trois grands acteurs représentent 70% du marché. Au final, je pense que les variantes passives continueront à
dominer le marché des trackers.”

Et il y a également les trackers “smart beta” qui suivent des indices qui ne se basent pas sur la capitalisation boursière, mais sur des facteurs tels que le rendement du dividende, le chiffre d’affaires, etc.

Fuhr: “Ces trackers “smart beta” ont certainement un avenir, mais cette année, ils ont beaucoup souffert. Je pense surtout aux indices axés sur le rendement du dividende.
Pendant la crise du coronavirus, de nombreuses entreprises ont réduit leur dividende, ce qui n’a pas permis aux trackers de respecter leurs prévisions. Les “smart beta” sont aussi moins transparents pour les investisseurs qui ne savent pas toujours quel facteur ou combinaison de facteurs est utilisé.”

Que pensez-vous des critiques qui accusent les trackers de provoquer des problèmes importants en cas de volatilité élevée parce qu’ils font affluer trop d’argent dans la même direction?

Fuhr: “Je ne suis pas d’accord. Ce serait le cas si tous les capitaux étaient par exemple investis sur l’indice allemand DAX (l’indice allemand qui compte 30 actions, NDLR). Mais dans la pratique, l’argent
est investi dans des trackers qui suivent différents indices – trackers d’actions, d’obligations ou de matières premières. Je pense que le danger vient plutôt de l’autre côté.
Une partie importante des fonds actifs sont des “closet indexers”, c’est-à-dire des fonds qui sont pratiquement la copie conforme des indices. Je pense qu’ils perturbent davantage
le marché.”

Que pensez-vous des évolutions technologiques dans le secteur? Croyez-vous par exemple que les Amazon et Google de ce monde créeront un jour des trackers et les proposeront sur leurs plates-formes?

Fuhr: “Amazon a développé un modèle unique où les acheteurs donnent leur avis sur les produits achetés. Amazon est capable de découvrir les schémas de consommation et de miser sur eux.
Ce modèle peut aussi parfaitement être répliqué pour les produits financiers. Amazon pourrait proposer des portefeuilles modèles, comparer les produits ou ajouter d’autres fonctionnalités.
Mais de là à créer lui-même des produits financiers, je pense que ce serait aller trop loin et je ne pense pas que cela arrivera. Mais ces acteurs de la technologie pourraient jouer un rôle important
dans l’éducation financière, qui représente selon moi à la fois le principal défi et la plus grande opportunité pour le marché des trackers. Je pense que, sur ce plan, il
existe encore de nombreuses possibilités, en particulier avec l’accélération de la digitalisation. Il suffit de voir ce qu’ont déjà accompli les robots-conseillers.

Que pensez-vous de la réglementation et de la fiscalité des trackers? En Belgique, ils sont soumis à trois régimes fiscaux différents selon leurs caractéristiques. Est-ce que cela ne représente pas
un frein pour les investisseurs?

Fuhr: “Absolument. C’est un réel problème. Cette complexité pourrait décourager les investisseurs. Ce serait certainement une bonne chose d’harmoniser la fiscalité, même
si elle ne doit pas servir de prétexte pour justifier un achat. Au Luxembourg et en Irlande, il existe aussi de grandes différences de taxation des trackers, et les deux marchés s’en sortent tout de
même très bien.”

Comment voyez-vous l’avenir des trackers?

Fuhr: “Nous constatons qu’ils continuent à gagner du terrain. Aux États-Unis, la Réserve Fédérale a décidé en pleine crise du coronavirus d’acheter des
ETF pour stabiliser le marché financier. Ce type d’annonce a donné des ailes au marché des trackers. En Amérique latine, le marché est également en plein boom. Au Brésil et
au Chili, les investissements dans les trackers sont de plus en plus accessibles et encouragés. Et l’Europe également n’en est qu’à ses débuts. Je pense que les trackers continueront
à gagner en importance. Vu que depuis MiFID II les frais de conseil doivent être scindés des coûts liés au produit, les conseillers financiers n’ont plus de raison de promouvoir des fonds classiques plutôt que des trackers.
Et il y a aussi les domaines où les trackers ont beaucoup de potentiel, comme les investissements durables, mais aussi les trackers à rendement fixe qui offrent de nombreux avantages en période de taux bas.

Cet article a été reproduit avec l’autorisation de l’éditeur, tous droits réservés.

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