Source : Goldman Sachs.
Ces derniers mois, les mesures budgétaires radicales prises par l’Allemagne, le projet européen d’augmentation des dépenses en matière de défense et les baisses de taux de la BCE ont largement soutenu les actifs européens. Malgré la menace que les droits de douane américains font peser à court terme sur l’Europe, l’augmentation massive programmée des politiques budgétaires a nettement amélioré les perspectives de croissance économique à moyen et long terme de la région. Ce changement de cap en matière de dépenses devrait également faire émerger de nouvelles opportunités d’investissement dans divers secteurs d’activité.
Les dépenses de défense dans la zone euro devraient augmenter fortement, passant de 1,9 % du PIB en 2024 à 2,8 % en 2027. Selon certaines analyses, elles pourraient même atteindre 3 % en fonction des besoins militaires de l’Europe. En Allemagne, les dépenses de défense ont déjà connu une croissance soutenue, passant de 1,5 % avant 2022 à 2,1 % en 2024, et elles ne sont quasiment plus soumises aux restrictions traditionnelles du pays en matière d’endettement. La perspective d’un cessez-le-feu en Ukraine ainsi que divers projets visant à financer le redressement, la reconstruction et la modernisation du pays pourraient également accélérer la croissance dans les années à venir.
La viabilité et la mise en œuvre complète des mesures budgétaires européennes seront néanmoins compliquées par la diversité des situations économiques des États membres comme la France, l’Italie et l’Espagne, qui disposent d’une marge de manœuvre budgétaire limitée. Cependant, même si le déploiement de ces nouvelles dépenses de défense est progressif et difficile, nous pensons qu’il pourrait donner un coup de fouet majeur à la croissance européenne à moyen terme.
Selon des études sur les multiplicateurs budgétaires dans les pays développés et en développement, chaque euro dépensé pour la défense pourrait générer 60 à 70 cents de PIB, ce qui pourrait augmenter le PIB de l’UE de 2 à 3 points de pourcentage au cours des quatre prochaines années, soit environ 0,5 à 0,7 % par an, en fonction de la manière dont l’argent est dépensé1.
Outre les droits de douane, l’Europe reste toutefois dépendante des États-Unis et de la Chine dans les domaines des matières premières, de la sécurité et des technologies numériques. Les prix de l’énergie, qui sont 2 à 3 fois plus élevés qu’aux États-Unis et en Chine, et les investissements insuffisants dans les technologies et les infrastructures innovantes pèsent également sur la compétitivité industrielle du Vieux Continent.
Selon nous, la trajectoire à long terme de l’Europe dépendra largement de la mise en œuvre de ses ambitions budgétaires et de la volonté des responsables politiques d’accroître la coopération au sein de l’Union. Le changement de cap budgétaire de l’Allemagne et la stratégie de défense européenne pourraient constituer les premières pierres d’une Union plus étroite. Si ce scénario se concrétisait, il pourrait faire émerger des opportunités d’investissement dans de nombreux secteurs de l’économie. L’un des principaux avantages à long terme des dépenses de défense sera très probablement les innovations qu’elles vont induire, comme cela a été le cas aux États-Unis. L’Allemagne, qui a démontré toute son expertise en biotechnologie en mettant au point l’un des premiers vaccins contre la COVID-19, possède les capacités nécessaires pour innover et contribuer à de telles avancées. Dans les paragraphes suivants, nous passons en revue certains des domaines dans lesquels ces opportunités pourraient apparaître.
Les opportunités offertes par la réindustrialisation d’origine budgétaire
Au-delà des acteurs bien connus du secteur de l’aérospatiale et de la défense, de nombreuses autres entreprises devraient selon nous bénéficier de l’augmentation des dépenses de défense. Toutefois, nous pensons qu’une analyse bottom-up détaillée est nécessaire pour identifier les meilleures opportunités dans les secteurs où les bénéficiaires peuvent sembler moins évidents.
À force de mesures budgétaires, la réindustrialisation de l’Europe et la demande croissante de centres de données pourraient considérablement accroître la demande d’électricité. En Allemagne, la croissance de la consommation d’électricité devrait s’accélérer et atteindre 3 à 3,5 % d’ici 2031, alors qu’elle est nulle depuis 19902. Le réseau européen, qui est le plus ancien au monde et dont 40 % est âgé de plus de 40 ans, a besoin d’être modernisé. Les investissements nécessaires au cours de la prochaine décennie pourraient dépasser 500 milliards d’euros, ce qui impliquera une accélération des dépenses d’investissement de près de trois fois par rapport à la décennie écoulée. Selon nous, toutes les entreprises situées sur la chaîne de valeur de l’énergie, de la production au transport d’électricité en passant par la gestion et le stockage de l’énergie, pourraient en bénéficier.
Les dépenses d’infrastructures de l’Allemagne devraient augmenter grâce à la modification des règles budgétaires et à la création d’un fonds de 500 milliards d’euros. Les projets d’envergure, comme la modernisation des chemins de fer et des ports accueillant du GNL, prendront du temps, mais les initiatives plus modestes de rénovation et de réparation devraient démarrer d’ici la fin de l’année 2025. Dans un premier temps, nous pensons que ce sont les entreprises du ciment, du béton et des granulats qui en bénéficieront le plus, avant que tout le secteur de la construction finisse par profiter de l’augmentation du PIB. Le manque de personnel qualifié et la lenteur des approbations pourraient toutefois se révéler problématiques.
D’autres secteurs tireront leur épingle du jeu, notamment celui de l’emballage, grâce à une demande accrue de boîtes et de caisses (acheminement, livraisons et couverture des besoins logistiques). D’autres entreprises devraient également en bénéficier, comme celles fournissant des produits chimiques (adhésifs, plastiques, polymères) et des produits nécessaires aux travaux de rénovation et d’assainissement (peintures, verre, résines et matériaux de remplissage). Les chaînes d’approvisionnement de l’industrie lourde (acier, aluminium, cuivre et produits chimiques industriels) pourraient également enregistrer une demande accrue, les gaz industriels jouant un rôle majeur dans la plupart des processus de production industrielle. Dans le secteur financier, les banques devraient également voir leur activité se développer à court terme (prêts nécessaires pour grands projets de construction et d’infrastructures). À plus long terme, si des progrès significatifs sont accomplis en faveur d’une coordination des marchés européens de l’épargne et de l’investissement et, à terme, vers une Union des marchés de capitaux, des établissements bancaires diversifiés et certaines sociétés de gestion d’actifs profiteront d’une désintermédiation accrue.
Un environnement riche en alpha
Le marché actions européen se distingue de son homologue américain (envergure, diversité et dynamique de son système d’informations). Contrairement au marché américain, très concentré (p. ex. le secteur technologique), l’Europe présente une composition plus équilibrée entre pays et secteurs. Les secteurs financier et industriel représentent chacun environ 20 % du marché européen, alors que le secteur technologique domine largement aux États-Unis.
La disponibilité des informations et leur diffusion sont également très différentes. En Europe, les informations sont moins abondantes, plus disparates et diffusées plus lentement qu’aux États-Unis. Cela se traduit par un suivi moins étroit de la part des analystes, un nombre réduit d’articles de presse et des sources d’information plus limitées pour les investisseurs. Par exemple, en moyenne, une action aux États-Unis est couverte par 41 analystes, contre environ 25 en Europe. De même, les actions américaines font l’objet d’une moyenne de 36 articles de presse, contre seulement 14 en Europe. Ces tendances créent des inefficiences de marché que les investisseurs adeptes de la gestion active peuvent exploiter grâce à la recherche fondamentale, afin d’identifier les valeurs sous-évaluées. Compte tenu de la diffusion plus lente de l’information en Europe, les facteurs reposant sur le momentum permettent d’obtenir des performances solides, la valeur des informations ayant une durée de vie plus longue.
En outre, la corrélation des surperformances au sein des secteurs montre que les actions européennes présentent des relations moins évidentes que leurs homologues américaines. Aux États-Unis, au sein même des secteurs, les actions présentent des profils de performance similaires, tandis qu’en Europe, les profils sont plus disparates, ce qui témoigne d’une moindre similitude des performances. Cette différenciation en termes de surperformance, y compris au sein de secteurs individuels, offre des opportunités aux investisseurs actifs. Ces dix dernières années, un pourcentage accru de sociétés de gestion d’actifs européennes ont surperformé leurs consœurs américaines.
Les actions européennes présentent également des valorisations initiales inférieures à celles des actions américaines, même après ajustement pour tenir compte de la proportion plus élevée de valeurs technologiques outre-Atlantique. Les entreprises européennes ont toujours accordé beaucoup d’importance aux dividendes et aux rachats d’actions, qui accroissent les revenus et le potentiel d’appréciation du capital. Grâce aux vastes réserves de liquidités existantes, il faut s’attendre à une augmentation des taux de distribution. Et comme les secteurs européens abritent moins de valeurs de croissance, il est possible d’obtenir des expositions plus résilientes en cas de ralentissement économique. En outre, après des années de flux entrants vers les États-Unis, les allocations des investisseurs mondiaux pourraient augmenter et certains signaux tendent à montrer qu’ils cherchent à accroître leurs allocations aux actions européennes.
Perspectives
L’évolution récente des droits de douane et la situation géopolitique globale ne font que complexifier l’environnement d’investissement. Toutefois, les premiers signes de reprise économique en Europe et les plans ambitieux de dépenses budgétaires et de défense devraient offrir une multitude d’opportunités aux investisseurs dans tous les secteurs : de l’aérospatiale et de la défense aux opérateurs de réseaux électriques en passant par les fournisseurs de matériaux de construction essentiels. La diversité et la fragmentation du marché européen, ainsi que le rythme plus lent de diffusion de l’information, créent un environnement propice à la gestion active. En exploitant ces inefficiences et cette dispersion, les investisseurs pourront générer un alpha plus élevé et relever les défis qui jalonneront 2025 et les années suivantes.
1Sur la base des dépenses militaires de 129 pays sur la période entre 1988 et 2013. Viacheslav Sheremirov et Sandra Spirovska (2022). « Fiscal multipliers in advanced and developing countries: Evidence from military spending. » Banque fédérale de réserve de Boston et Université du Wisconsin.
2Goldman Sachs Global Investment Research. Au 31 mars 2025.
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